Le Temps de l’émancipation Libérer le présent
“Notre rapport au temps apparaît d’abord comme le temps de notre rapport au monde ou de notre relation du monde, c’est-à-dire de notre histoire. De nombreux discours philosophiques ont remis son sens en question. Prenant en compte le naufrage nazi, l’effondrement du communisme, l’essoufflement du développement économique, les menaces sur l’environnement, ils dénoncent l’idée de progrès comme une illusion et traduisent une certaine forme de pessimisme, une difficulté à se projeter dans l’avenir, une crispation face à un avenir plus que jamais incertain, donc indéterminé. Dans ce vaste « remue-méninges », théâtre de la crise de la modernité, une notion comme celle d’émancipation tend à disparaître de notre vocabulaire, que ce soit du côté des acteurs socio-politiques ou de celui des analystes. Prenons cela comme l’indice d’un monde qui défie notre temps, qui met aussi en doute la pertinence de la référence à cette catégorie d’émancipation pour penser notre rapport à la réalité”.
(Marc Muller, extrait de l’Introduction)
“La lucidité n’est pas forcément décourageante : elle permet une critique constructive et une action efficace. On voit donc s’esquisser ici une éthique sociale et politique, qui s’enracine dans notre situation présente sans se laisser enfermer par elle. Au lieu de s’opposer, passé, présent et futur se conjuguent et se fécondent dans leur confrontation avec une altérité. Alors, l’émancipation naît et se développe dans un enchaînement assuré par une éducation et non dans la rupture d’une révolte qui parce qu’elle brise et casse risque de se dévoyer et de se perdre. Dans ce processus, la rencontre et l’échange avec l’autre, et donc le langage ont une importance décisive. L’existence humaine n’est pas seulement finie et historique ; elle est aussi « dialogale », ce qui rend possible cet enchaînement émancipateur.”
(André Gounelle, extrait de la Préface)