La Nature des doctrines Religion et théologie à l'âge du postlibéralisme
Qu’est-ce qu’une doctrine ? Lindbeck se dit “postlibéral”. Il estime, en effet, le libéralisme tout aussi dépassé que l’orthodoxie. Pour cette dernière, la doctrine dit ce qu’est Dieu (trinité, toute-puissance) et comment il agit dans le monde (création, salut). Immuable, universelle et absolue, elle est objet de foi ; chaque croyant doit y adhérer. Le libéralisme voit dans la doctrine une expression de la foi : elle dit la manière dont nous sentons et vivons notre relation avec Dieu. Elle décrit l’expérience croyante. Elle est relative, particulière, chacun peut et doit la discuter ; elle se modifie avec l’évolution de la conscience religieuse des individus et des communautés.
Lindbeck entend déplacer le débat, et s’interroger non pas sur ce ce dont parle la doctrine (l’être de Dieu ou l’expérience chrétienne) mais sur la manière dont elle fonctionne. Une religion, selon lui, ressemble à une langue (français, anglais,…), ou à un jeu (tennis, …) dont la doctrine définirait les règles. On ne donne pas à la grammaire une portée métaphysique ou ontologique ; on la jauge et éventuellement on la modifie en fonction de son utilité. On ne confronte pas les règles d’un jeu à une réalité externe, mais on se demande si elles permettent des parties animées. Leur vérité ne se trouve pas en dehors d’elle, mais dans le système qu’elles régissent. Il en va de même des doctrines : elles génèrent et structurent la vie et la pensée d’une communauté croyante beaucoup plus qu’elles n’en sont les produits.
La position de Lindbeck est bien plus complexe, nuancée et prudente que ma présentation, forcément schématique et simplificatrice ne le laisse entendre. Ce livre relance intelligemment le débat sur la nature de la doctrine, en lien avec les travaux contemporains sur le langage (qui structure notre perception du monde plus qu’il ne la reflète). Il tente de mettre en place une nouvelle approche des discussions doctrinales œcuméniques (il a été écrit dans cette intention).
Extrait d’une recension par André Gounelle, parue dans Le Protestant, Genève, avril 2003