Au-delà du lesbien et du mâle

Au-delà du lesbien et du mâle La subversion des identités dans la théologie « queer » d’Elizabeth Stuart

Préface d'Éric Fassin

Au début des années 1990, les débats américains sur le genre (féminisme, homosexualité…) sont bousculés par l’apparition de la « théorie queer ». Il ne s’agit plus seulement de critiquer la domination masculine sur les femmes, ou de la norme hétérosexuelle sur l’homosexualité mais de tenter de défaire ces identités mêmes, en s’appuyant sur les idées de Michel Foucault, le concept de «  performance  » ou la prolifération d’identités «  bizarres  » comme les drag-queen, les transgenres, les lesbiennes butch…

Elizabeth Stuart, ancienne nonne catholique, professeur de théologie chrétienne à l’Université (anglicane) de Winchester, figure du mouvement LGBT au Royaume-Uni se saisit de la « théorie queer » pour inventer une « théologie queer » et bousculer à son tour des débats d’église bloqués par l’affrontement stérile entre institutions ecclésiales et activistes gays et lesbiens chrétiens. Elizabeth Stuart les renvoie dos-à-dos. Ne partagent-ils pas une forme d’idolâtrie qui sacralise les identités construites par la modernité : famille, couple, hétérosexualité, homosexualité ? Ne sont-ils pas également responsables de la création de ces enfermements identitaires : les églises qui ont participé à la construction des identités dominantes ; les théologiens gays et lesbiennes qui ont contribué plus récemment à la création d’une « identité homosexuelle»devenue à son tour normative? S’inspirant de «  L’archéologie du savoir  » de Michel Foucault et de la «  répétition avec une différence critique  » (performance) de Judith Butler, Elizabeth Stuart va construire sa « théologie queer » à partir de références théologiques très antérieures à la modernité (Pères de l’Église, théologie du Moyen Âge….), des savoirs subalternes de la culture populaire gay et lesbienne ou encore des liturgies inventées par les chrétiens queer, etc. Ces ressources sont employées non seulement pour critiquer les identités de genre mais aussi faire apparaître d’autres façons de lire la Bible, d’autres figures de Dieu, Jésus, relire la théologie au regard de l’expérience des gays et lesbiennes (du corps, du sida, de l’homophobie…), faire de la liturgie une «performance » subvertissant les identités etc. Il ne s’agit plus d’invoquer la modernité pour critiquer les églises, mais de produire une théologie remettant en cause les emprisonnements identitaires figés par la modernité ; de passer d’une théologie basée sur une identité à une théologie de subversion des identités.

 

  • Date de parution : 9 avril 2008
  • ISBN : 978-2-911087-63-9
  • 16,00 €
  • 14 x 22,5 cm
  • 110 pages